A Alep, le 30 juin. | AP
A Alep, le 30 juin. | AP

Il y a des silences qui en disent plus long que des mots. La projection de quelques photos et d’une vidéo tremblante sur les ravages de la guerre dans la ville syrienne d’Alep ont laissé sans voix une assemblée pourtant composée de diplomates chevronnés. Quelques clichés ont suffi pour rappeler l’étendue des souffrances : une ville en partie rasée, des rues jonchées de corps déchiquetés et des regards terrorisés.

Sans pathos et d’un ton sobre et posé, une délégation de quatre élus de la région d’Alep, qui a achevé, mercredi 3 juillet, une visite de dix jours en France, a rencontré, mardi, au Quai d’Orsay, des représentants des ambassades des vingt-huit pays membres de l’Union européenne. Comme à chaque étape de leur séjour, à l’invitation du gouvernement français, ils ont rappelé les conditions de vies dramatiques dans cette région du nord de la Syrie, en partie contrôlée par les forces opposées au régime de Bachar Al-Assad. Et ont dressé une liste des besoins humanitaires urgents.

TOUT EST À RECONSTRUIRE

Sur place, les moyens dont disposent les rebelles pour rétablir un semblant de vie normale sont plus que limités. “La communauté internationale a déçu le peuple syrien. Le montant du soutien qui est arrivé à Alep n’est que de 1,2 millions de dollars” [920 000 euros], a rappelé Yahya Nanaa, le chef du conseil de la“province libre” d’Alep qui regroupe près de 7 millions d’habitants.

Comme les autres membres de la délégation, il a la particularité d’avoir été élu lors d’un scrutin, organisé tant bien que mal en mars, par les habitants des zones sous le contrôle de la rébellion pour choisir des représentants de la région et de la ville d’Alep. Pour des raisons de sécurité évidentes, ils ont installé leurs structures administratives de l’autre côté de la frontière, dans la ville turque de Gaziantep.

Au-delà de la guerre, et les plus de cent mille morts et millions de réfugiés, ces représentants de la société civile s’évertuent, avec les moyens du bord, de rétablir un semblant de vie dans une ville où tout est à reconstruire. “Le relèvement desservices publics est un des éléments de stabilisation de la révolution”, a insisté Eric Chevallier, ancien ambassadeur de France à Damas, un des organisateurs du déplacement de cette délégation qui a rencontré Laurent Fabius, le ministre desaffaires étrangères, le 25 juin.

A Alep, le 3 juillet. | REUTERS/MUZAFFAR SALMAN
A Alep, le 3 juillet. | REUTERS/MUZAFFAR SALMAN

Les besoins sont criants. “Des dizaines d’écoles ont été détruites, les centrales électriques et les stations de pompage d’eau ont été endommagées, les hôpitaux sont ciblés par les bombardements et les chirurgiens opèrent avec des lampes frontales”, a insisté Ahmad Azouz, le chef du conseil local de la ville d’Alep. “Des épidémies commencent à apparaître, comme la rougeole et la tuberculose et, pour la première fois depuis 1966, nous avons recensé un cas de décès à cause de la polio”, a-t-il déploré.

Et puis, il y a tout ce qui fait l’ordinaire d’une vie urbaine en temps normal et qui fait aujourd’hui cruellement défaut ; le ramassage et l’incinération des déchets, lestransports, les services administratifs, etc. “Nous avons les gens compétents pour faire fonctionner tous ces services, mais il nous manque du matériel et des moyens”, souligne Ahmad Azouz, précisant que la ville d’Alep n’a reçu que“30 000 dollars d’aide ces cinq derniers mois”.

TRAITEMENT ANTISARIN

Plus grave, il y a surtout la menace des armes chimiques. L’Union des organisations syriennes de secours médicaux (UOSSM), qui regroupe des médecins présents à l’intérieur et à l’extérieur du pays, a pu fournir des tentes de décontamination à la ville. Mais selon le Dr Abdellaziz, le médecin-chef d’Alep, les autorités locales ne disposent que “seize masques protecteurs” et de “dix mille ampoules d’atropine”, un traitement antisarin. “Nous avons, dit-il, un besoin impératif d’aide pour nous prémunir contre des frappes chimiques.”

Dans ce contexte d’urgences et de tragédies, la délégation syrienne d’Alep a aussi tenu à demander du soutien pour que des lycéens puissent passer leur baccalauréat en août. Un pied de nez au drame, un pari insolent sur l’avenir.“Comme les écoles sont ciblées par les bombardements, nous continuons d’organiser des cours là où nous le pouvons, dans les mosquées, les caves, les salles de fêtes”, a rapporté Abdulkareem Anees, responsable de l’éducation au conseil de la ville. En tout, près de dix mille élèves reçoivent un enseignement, dispensé par deux mille volontaires.

Mais pour que leurs efforts ne soient pas en vain, M. Anees ajoute une requête inhabituelle : “Nous souhaiterions que des organismes internationaux compétents participent à la surveillance des examens pour que nos diplômes soient crédibles et reconnus, au même titre que ceux octroyés par l’Etat syrien”. L’enjeu, dit-il, est de taille : “Le régime de Bachar Al-Assad interdit aux professeurs de travaillerdans les zones libérées car il sait très bien que l’éducation est un moyen de luttercontre la tyrannie et l’extrémisme”.

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Syrie : les élus d’Alep lancent un appel à l’aide humanitaire

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